Le groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo vient de remettre un nouveau rapport sur l’état de la violence dans le pays. Dans ce document que RFI a obtenu en exclusivité, le constat est amer avec, depuis plusieurs mois, l’apparition d’épisodes de violences intenses dans plusieurs provinces : de quoi continuer à détériorer une situation humanitaire déjà inquiétante.
Dans l’ouest, c’est la province du Maï-Ndombe qui inquiète. Le conflit intercommunautaire déclenché mi-2022 a fait des centaines de morts, détruit des centaines de villages et infrastructures, notamment des écoles et des établissements médicaux. Il s’est également étendu géographiquement : les experts craignent même des débordements jusque dans la capitale Kinshasa.
Il s’est aussi étendu ethniquement avec l’apparition de nouveaux groupes agrégeant les membres d’autres communautés alliées. Les combattants Mobondo capturés ou rendus ont été enrôlés dans les Forces armées de la RDC (FARDC), entraînés et envoyés à l’est au Nord-Kivu pour combattre le M23, rapporte notre correspondante au siège de l’ONU, à New York, Carrie Nooten.
Les experts de l’ONU réaffirment le soutien du Rwanda aux rebelles du M23
Car le Nord-Kivu (Est) reste l’épicentre des violences, notamment avec le conflit entre l’armée et le M23 qui a repris. De plus, les experts attestent que toutes les parties ont violé le cessez-le-feu. Le rapport pointe à nouveau le soutien du Rwanda aux rebelles, avec des photos, vidéos et témoignages prouvant l’implication de Kigali, dont les militaires interviennent directement ou soutiennent le M23 en hommes et matériel.
Dans la province de l’Ituri, les dialogues intercommunautaires visant à freiner la violence endémique ont échoué.
L’armée congolaise a renforcé son utilisation de groupes armés comme les FDLR, les milices Wazalendo (« vrais patriotes ») mais aussi des soldats burundais : plus d’un millier de membres des FDNB seraient déployés sur la route Sake-Kitchanga depuis début octobre. Et ce en uniformes congolais, indiquent les enquêteurs.
Exploitation d’or de contrebande, échec de l’interdiction minière
Les FARDC s’appuient aussi sur des compagnies militaires privées, comme Agemira RDC et Congo Protection, qui selon le rapport, ont intensifié leurs soutiens tactique et stratégique. Elles supervisent parfois des frappes, transportent des troupes ou protègent des infrastructures.
Et surtout, le rapport pointe leurs sources de financement montrant que l’interdiction minière imposée par la RDC n’a pas été respectée, et que l’exploitation de contrebande en or a profité à certains de ces groupes.
Ce phénomène de violence en expansion constaté par les experts onusiens était justement à l’origine de l’inquiétude des membres du Conseil de sécurité de l’ONU, lorsque le retrait de la mission de l’ONU en RDC (Monusco) avait été acté, il y a dix jours : ils venaient de lire le rapport des experts.
Dans cette tendance inquiétante, les civils sont les premiers à en subir les conséquences : le Congo compte désormais près de 7 millions de déplacés, une première dans son histoire, indique le rapport.
Pour le gouvernement congolais, il n’y a pas besoin pas besoin d’un nouveau rapport, il faut des actes !
Le rapport documente de nouveau les liens entre la rébellion du M23 qui sévit au Nord-Kivu et le Rwanda avec des photos, vidéos et témoignages prouvant l’implication de Kigali, dont les militaires interviennent directement ou soutiennent le M23 en hommes et matériel. Pour Giscard Kusema, directeur adjoint de la communication au cabinet du président congolais, la RDC n’a pas besoin d’un énième rapport, il faut des actes. « Si la communauté internationale ne passe pas à l’acte, ne passe pas à la vitesse supérieure -nous voulons parler des sanctions-, la République démocratique du Congo, tôt ou tard se prendra en charge et la communauté internationale n’aura que ses yeux pour observer l’irréparable », dit-il, au micro de nos envoyés spéciaux à Kinshasa, Paulina Zidi et Boris Vichith.
« La République démocratique du Congo est maintenant en droit de mener une guerre envers le Rwanda pour recouvrer son intégrité territoriale », estime Giscard Kusema, directeur adjoint de la communication au cabinet du président congolais. « Elle a été assez large pour attendre un mot, des gestes, des faits concrets de la part de la communauté internationale. Cela tarde à venir. La République démocratique du Congo a accepté une mission qui a fait près de trois décennies. Sans rien. »
« Il a fallu attendre plusieurs décennies pour établir justement aujourd’hui ces évidences sur le soutien du Rwanda, et la République démocratique du Congo n’entend pas rester sous l’emprise éternelle du Rwanda. Donc, un jour, la RDC passera à une vitesse supérieure et les dégâts seront beaucoup plus graves ».
RFI / AIGLEINFOS
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