Des combats se sont poursuivis dans l’est de la RDC aux premiers jours du cessez-le-feu négocié par la médiation. Les autorités congolaises disent cependant qu’elles continuent à croire à cette nouvelle tentative de paix. Elles prennent surtout acte des propos tenus à la fin de la semaine dernière par le président français.
Emmanuel Macron avait en effet déclaré que ceux qui s’opposeraient au processus actuel s’exposeraient à des sanctions. Pour Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement congolais, « il y a aujourd’hui une nouvelle fenêtre qui s’est ouverte, la responsabilité de la France est engagée pour l’issue du processus ». Patrick Muyaya répond aux questions de Laurent Correau.
RFI : En dépit du cessez-le-feu, les combats ont continué mardi dans l’est de la RDC. Quelle est la situation actuellement dans l’est ? Est-ce qu’on continue à se battre ?
Patrick Muyaya : Il y a eu des accrochages qui ont été rapportés par le porte-parole militaire du Nord-Kivu et qui ont fait l’objet d’une communication spécifique. Mais ici, je voudrais insister sur le fait que nous comptons sur le processus qui a été mis en œuvre, sur la responsabilité qui a été conférée au président [angolais João] Lourenço. Il faut regarder si, dans les jours qui viennent, ces attaques vont persister. Mais nous, nous voulons rester optimiste et croire que cette fois-ci, c’est la bonne.
Alors justement, lors de la conférence de presse conjointe qu’il a co-animée samedi avec le président congolais Félix Tshisekedi, le président français avait dit que ceux qui ne respecteraient pas le cessez-le-feu s’exposeraient à des sanctions. Que doit faire la France maintenant selon vous ?
La France doit continuer à faire pression pour que le cessez-le-feu soit respecté. Beaucoup de Congolais pensaient que la France était complice ou tout au moins travaillait en accord avec le Rwanda. Je pense que le président [français Emmanuel] Macron a eu des mots qui étaient assez clairs, même s’il n’a pas clairement condamné le Rwanda comme beaucoup de Congolais auraient voulu l’entendre.
Mais il a mis la responsabilité du Rwanda sur la sellette et nous espérons qu’il va continuer à suivre le processus de près, pour que sa parole puisse être honorée dans l’hypothèse où le cessez-le-feu n’est pas respectée… et que donc des sanctions soient prises contre le Rwanda ou le M23 pour que cesse cette situation d’insécurité dans l’est de la RDC.
Vous aviez déclaré avant la visite d’Emmanuel Macron que vous souhaitiez un engagement clair pour le retour de la paix, une condamnation du Rwanda. Est-ce que vous êtes satisfait par les mots qui ont été prononcés pendant sa visite ?
Patrick Muyaya : Écoutez, on ne pourra parler de satisfaction véritablement que quand il y aura évolution de la situation sur le terrain, mais nous avons apprécié les engagements clairs du président Macron parce qu’il a parlé de sanctions, il a parlé de responsabilités, il a parlé du Rwanda. Je pense qu’aujourd’hui, nous pouvons considérer qu’il y a une nouvelle fenêtre qui s’est ouverte et que la responsabilité de la France est engagée pour l’issue du processus.Lors de la conférence de presse de samedi, on a assisté à un échange musclé entre les deux présidents autour de l’expression « compromis à l’africaine » qui avait été utilisée par l’ex-ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian début 2019 pour parler de l’issue de l’élection congolaise. Comment faire en sorte que cette expression ne soit pas utilisée au sujet des élections de décembre 2023 ?Vous dites que c’était musclé, mais nous, on a trouvé que l’échange était plutôt démocratique, ça veut dire qu’on a discuté de choses assez dures, avec des vérités dites de part et d’autres. Ce qu’il faut retenir de cette séquence, c’est ce que le président Tshisekedi a dit qu’il faut éviter ce côté paternaliste, ce côté ingérence qui en fait est symptomatique de la Françafrique que le président Macron veut éliminer.
Mais comment faire en sorte qu’on ne parle plus de « compromis à l’africaine » pour une élection congolaise ?
Écoutez, il faut le dire plutôt aux officiels français qui ont utilisé cette expression. Pour ce qui concerne les élections à venir, nous nous travaillons justement à avoir un processus inclusif parce que pour la première fois, par exemple, il y a des Congolais de l’étranger qui vont voter. Le bureau de la Céni [Commission électorale nationale indépendante, NDLR] travaille à assurer un processus transparent. Nous espérons que le moment venu, la Céni pourra publier des résultats qui seront respectés par tous.
Le président Tshisekedi a laissé entendre samedi dernier que les délais constitutionnels ne pourraient pas être tenus pour l’élection présidentielle en raison justement de cette insécurité dans l’est. Est-ce que ce glissement annoncé ne donne pas un poids particulier à la demande de différents partis politiques de l’opposition, dont Lamuka et le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), pour un dialogue direct sur ces questions électorales ?
Je ne suis pas sûr que le président Tshisekedi ait dit les choses telles que vous le dites. Il ne faut pas considérer les propos du président comme une annonce de glissement, mais il faut les considérer comme une alerte qui permette à la France, au Conseil de sécurité, de s’impliquer davantage pour que la paix revienne et pour que nous puissions faire des élections dans la sérénité avec des Congolais qui pourraient voter partout en même temps et en toute liberté.Nous pensons aujourd’hui que si la question de la sécurité pour laquelle nous avons un plan de sortie à travers le cessez-le-feu en cours, que si tout cela est respecté, nous ne voyons pas de raison pour que les élections ne se tiennent pas dans les délais.
Est-ce que ce risque de glissement ne donne pas tout de même un poids particulier à la demande du PPRD et de la Lamuka pour un dialogue direct ?
Aujourd’hui, suivre les schémas qu’ils proposent, c’est consacrer justement le glissement, ce qui, de notre point de vue, n’est pas toujours de nature à faciliter les choses. Parce qu’après les dialogues, il y aura certainement une idée de partage des pouvoirs.C’est peut-être cela l’idée maitresse derrière. Mais nous, nous voulons considérer que la Céni fait son travail, et que s’il y a des préoccupations particulières des autres parties prenantes, notamment des partis politiques ou des différents candidats, ils peuvent approcher la Céni pour voir comment rectifier un certain nombre de choses. Mais ici, il faut que tout le monde s’implique pour que nous puissions nous donner le maximum de chances d’avoir les élections dans le délai prévu.
RFI / aigleinfos
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