C’est une date dont l’anniversaire résonne avec l’actualité et le conflit en cours dans l’est de la RDC. Il y a 10 ans, le 20 novembre 2012, le M23 (Mouvement du 23 mars), prenait le contrôle de Goma.
10 ans plus tard, ces mêmes rebelles sont à nouveau à proximité de la ville. En juillet 2012, les rebelles prennent le contrôle de Bunagana et de Rutshuru, avançant jusqu’à Kibumba en moins de deux semaines. Une trève de quatre mois plus tard, les hostilités reprennent le 15 novembre. En cinq jours, ils gagnent Goma et forcent l’armée congolaise à se replier sur Saké pendant que les casques bleus restent cantonnés dans leurs camps et à l’aéroport. À la mi-journée, le 20 novembre, le chef militaire du M23, Sultani Makenga, pavoise dans les rues de la ville.
Au même moment, le président Joseph Kabila exhorte à « la participation de toute la population à la défense de notre souveraineté », avant de s’envoler pour Kampala où il retrouve Yoweri Museveni et Paul Kagame pour un sommet de la Conférence internationale sur la région des grands lacs. Ils demanderont le lendemain au M23 de quitter la ville. Mais il faudra plus d’une semaine de tractations pour que le retrait se concrétise.10 ans plus tard, la situation s’apparente à celle d’il y a 10 ans. Le M23 est de retour à une vingtaine de kilomètres de Goma, où est cette fois déployée l’armée kényane dans le cadre de la force conjointe est-africaine.
« Pas de négociation, dégagez ! »
Et à Kinshasa, des chefs religieux, imams et les organisations de la société civile mobilisent des milliers de fidèles, militants et anonymes dans la rue contre la « balkanisation » et le « complot ». Ils vocifèrent contre la communauté internationale et le Rwanda, rapporte notre correspondant, Pascal Mulegwa. « Pas de négociation, dégagez ! ». Ce slogan retentissait vendredi contre le M23 lors de la marche qui a débuté près du stade des martyrs. L’avenue des Huileries était noire de monde, la circulation interrompue. « Nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, jusqu’à ce que le Rwanda puisse être sérieusement condamné et jusqu’à ce que le M23 quitte ses positions et que la paix revienne en République démocratique du Congo », estime Danny Banza, de la société.
Christopher Ngoy, également militant de la société civile, s’oppose déjà à l’idée même d’intégrer les rebelles dans les forces de sécurité à l’issue des négociations prévues à Nairobi : « Dès cet instant, nous ne pouvons plus le faire. Ils ont prouvé qu’ils sont insatiables. Ce qu’ils veulent, c’est prendre une partie du Congo et le balkaniser. Nous disons que cela doit prendre fin, car le peuple congolais ne reculera pas ».
Nancy, elle, se range derrière son pasteur. « Notre cause est juste et la nation est sacrée. Nous disons non à toute forme de balkanisation, nous dénonçons tout haut la complicité des organisations internationales. Que chacun s’occupe de sa nation, la RDC c’est pour les Congolais ».
À l’entrée de la commune de Gombe, centre administratif du pays, la police a stoppé la progression des manifestants. « Nous devons continuer la marche. Nous devons délivrer le message aux ambassadeurs », insiste l’un des manifestants.
Finalement, seul un comité restreint a pu déposer à la mission des Nations unies un mémorandum qui réclame notamment des sanctions contre le Rwanda et que « la communauté internationale entende notre voix », indique le pasteur Dodo Kamba, patron des églises évangéliques de Réveil du Congo.
Efforts diplomatiques
Et pendant ce temps, comme il y a 10 ans, les tractations diplomatiques se poursuivent sous l’égide de la Communauté est-africaine. Selon son facilitateur, Uhuru Kenyatta, Paul Kagame a accepté pour la première fois de l’aider à « exhorter le M23 au cessez-le-feu et au retrait des territoires conquis ». Le président kényan William Ruto est même attendu dans la capitale congolaise la semaine prochaine, d’après des sources des présidences kényane et congolaise, rapporte notre correspondant, Patient Ligodi.La pression sur le M23 s’accentue donc, du moins, dans la communication publique. Le mouvement a d’ailleurs été qualifié vendredi de « groupe armé illégal » dans un communiqué commun signé par les États-Unis, la Belgique, la France et le Royaume-Uni. Ces pays ont aussi rappelé que le M23 est sous sanctions des Nations unies et que « tout soutien extérieur des acteurs armés non étatiques, dont le M23, doit cesser ».Cependant, les autorités congolaises se montrent prudentes. « On attend de voir Paul Kagame respecter ce qu’il a dit au président kényan William Ruto », a confié un membre du gouvernement.Kinshasa compte d’ailleurs poursuivre la pression diplomatique à Djerba, en Tunisie, où le Premier ministre représente Félix Tshisekedi au 18e sommet de la Francophonie. La RDC compte profiter de sa position dans l’organisation pour demander, une fois de plus, au Rwanda de cesser de soutenir le M23.
De son côté, le président français s’est exprimé sur le sujet lors d’une rencontre avec les présidents du Burundi et du Rwanda. En marge du sommet de la Francophonie, il a déclaré : « Il faut le retrait des forces, la stabilisation par des forces africaines sous mandat de l’ONU et un processus politique inclusif qui doit être lancé dans les meilleurs délais pour que toutes les parties prenantes puissent sortir de ce moment de tension ».Le conseil de sécurité de l’ONU entre également dans la danse. Ses délégués ont rencontré, samedi, le président ougandais Yoweri Museveni.
RFI/aigleinfos.com
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